Conférence ASMA du mardi 5 avril 2022
La Société d’histoire d’Ensisheim remercie la municipalité d’Ensisheim d’avoir mis à disposition la salle du Palais de la Régence pour son Assemblée Générale.
Selon une tradition bien établie, l’AG a été suivie d’un conférence, à laquelle ont assisté une cinquantaine de personnes. C’était aussi notre première conférence de l’année, les précédentes ayant été annulées pour cause de Covid.
Elle a été consacrée à L’Association pour la Sauvegarde de la Maison Alsacienne (ASMA) et présentée par son vice-président Denis ELBEL.
Créée en 1972, l’ASMA fête cette année ses 50 années d’existence.
Son objectif est : »Apprendre, comprendre et défendre la Maison Alsacienne, aujourd’hui et demain ».
Tout au long de la soirée, Denis ELBEL a transmis à un public attentif sa passion pour la préservation de la maison alsacienne, et a détaillé le combat que mène son association au quotidien afin d’éviter qu’une partie du patrimoine de notre région ne disparaisse à jamais dans l’indifférence générale.
M. Denis ELBEL, Vice Président de l’ASMA
1.- Le volet pédagogique
Au travers de Stammtisch organisés régulièrement et ouverts à tous, sont présentés les projets pour la restauration du bâti ancien des participants, donnés des conseils et proposées des solutions concrètes.
L’ASMA s’appuie sur des personnes ayant des compétences dans des domaines très divers (maçons, charpentiers, couvreurs, ferronniers, plâtriers, architectes, maitres d’œuvre,…), car la restauration et la préservation des bâtiments anciens obéissent à des règles strictes, des erreurs trop souvent commises dans le passé étant à éviter.
L’ASMA organise des stages de formation aux différentes techniques de restauration
L’isolation des bâtiments est d’une très grande importance, et l’utilisation de matériaux inappropriés (et parfois onéreux) peut entrainer des dégâts particulièrement destructeurs. L’isolation par l’extérieur avec des plaques de polystyrène (ou tout autre matériau de ce type) est à proscrire pour le bâti ancien. En effet, la vapeur d’eau générée à l’intérieur de l’habitation, en particulier au droit de la cuisine et de la salle de bains, ne pourra plus s’évacuer au travers des murs. La conséquence pour une maison à colombages est dramatique : les pans de bois vont pourrir, et même du chêne de plus de 300 ans va assez rapidement se transformer en bois vermoulu !
La solution idéale a été mise au point en Bretagne depuis une vingtaine d’années par l’Association ‘’Construire en chanvre’’: c’est la projection par l’intérieur d’un mélange de chaux et de chanvre, qui permet d’isoler parfaitement, souvent à moindre coût, et permet au bâtiment d’évacuer l’humidité. Cette technique permet d’obtenir de la perspirance. Ce matériau est appelé quelquefois ‘’béton de chanvre’’, puisque le terme ‘’béton’’ désigne au départ un matériau constitué d’un mélange d’agrégats (ici la paille de chanvre hachée) et d’un liant (ici de la chaux). Il faut éviter l’utilisation du ciment qui rendrait le mélange étanche et non perspirant.
Le problème est analogue pour tous les enduits, que ce soit en intérieur ou en extérieur : là aussi, il faut proscrire le ciment. Nos ancêtres n’utilisaient qu’un mélange de sable et de chaux, ce qui a assuré la pérennité de leurs maisons.
Le ciment reste par contre une excellente solution pour le renforcement de fondations ou des reprises en sous-œuvre, et tout particulièrement en terrain humide.
Le ‘’chaux-chanvre’’ peut également être utilisé dans le comblement des espaces entre les colombages, qu’on appelle les « miroirs », ce qui améliore encore l’isolation.
L’ASMA organise aussi régulièrement des stages de formation pour les personnes désireuses d’acquérir un savoir faire, entre autres la technique du torchis avec son armature en bois (les palançons) destinée à accrocher l’argile. Ces personnes pourront ainsi réaliser elles-mêmes à moindre coût les travaux dont elles ont besoin, puisque c’est la main d’œuvre qui est onéreuse et non les matériaux mis en œuvre.
Denis ELBEL a expliqué que l’ASMA informait aussi les particuliers sur les démarches administratives, les différentes aides possibles, dont les réductions d’impôts au travers, par exemple, du ‘’Label Fondation du Patrimoine’’.
Avec le chantier de sa propre maison érigée en 1717, il a également pu démontrer qu’un bâtiment à colombages pouvait obtenir le label « BBC – Bâtiment Basse Consommation ». Son expérience a été présentée au colloque de création du CREBA à Bordeaux en novembre 2018. Le CREBA ou ‘’Centre de Ressources pour la Réhabilitation Responsable du Bâti Ancien’’, est une plateforme en ligne pilotée par l’Etat pour diffuser les bonnes pratiques dans ce domaine, en tenant compte des enjeux non seulement patrimoniaux, mais également énergétiques, via des retours d’expérience sur des opérations exemplaires.
M. Denis ELBEL et M. Jean Jacques SCHWIEN, Président de la Société d’Histoire d’Ensisheim
2.- Le volet défensif
Tous les moyens sont mis en œuvre par l’ASMA pour tenter de sauver un bâtiment ancien de la démolition.
Les maires sont systématiquement contactés en priorité ; ils n’ont pas toujours l’information qui leur permettrait de s’opposer aux permis de démolir sollicités par les citoyens de leur commune, mais certains maires ne sont tout simplement pas sensibles à la notion de patrimoine à préserver.
Au delà des élus, la pédagogie est menée à différents niveaux, notamment auprès des lycéens, par exemple une conférence donnée devant les élèves du Lycée agricole d’Obernai.
L’ASMA n’hésite pas à faire parler d’elle lorsque le combat s’avère difficile ; les médias vont alors être sollicités pour relayer les arguments en faveur de la préservation. Toutes les énergies sont utilisées afin de sensibiliser le maximum de personnes à la conservation du patrimoine. Ainsi, le journaliste Jean-Pierre PERNAUT et l’animateur Stéphane BERN ont, à de multiples occasions, soutenu le travail – disons plutôt le combat – de l’ASMA.
L’ASMA intervient dès qu’elle est informée qu’un projet de démolition concernant un bâtiment ancien est engagé; ce sont souvent ses propres adhérents qui assurent ce rôle de ‘’sentinelles’’.
L’ASMA a de nombreux succès à son actif. Mais des exemples navrants de disparition définitive de l’habitat ancien sont à déplorer dans plusieurs communes (Brunstatt, Geudertheim, Vœgtlinshoffen, Spechbach-le-Bas…). Mais pour ce dernier cas, qui remonte à juillet 2021, un recours au Tribunal administratif est toujours en cours d’instruction pour faire condamner le maire : il a cumulé les irrégularités en faisant démolir une maison à colombages du 17ème siècle, propriété de la commune, située juste à côté de l’église, en ne respectant ni les délais légaux du permis, ni la protection de cette maison au titre du Plan local d’urbanisme (PLU) de la commune !
exemple d’un bâtiment détruit
Les perspectives d’avenir
Malgré ces échecs, Denis ELBEL reste confiant en l’avenir.
De plus en plus de personnes sont sensibilisées à l’idée de devoir préserver le patrimoine ancien, et le nombre de membres de l’ASMA augmente au fil des années ; le cap des 1000 adhérents sera en effet très probablement franchi au cours de cette année du cinquantenaire.
Des projets de sauvegarde, de transformation ou de modification de bâtiments anciens dans le souci de leur mise en valeur ont pu être élaboré.
Denis ELBEL cite le cas de Mommenheim, où le projet d’extension d’une boulangerie a pu se faire en démontant la maison à pans de bois, remontée sur le même site douze mètres plus loin, tout en adaptant la parcelle aux besoins de l’outil de travail du boulanger. Il rappelle à cette occasion que sous l’Ancien Régime, les notaires considéraient les maisons à colombages comme des biens meubles, et non pas des immeubles.
Dans la commune de Lembach, où l’ancien maire Charles SCHLOSSER avait très tôt pris conscience de la valeur du bâti ancien, non seulement le bâti a pu être préservé (13 maisons sauvegardées en 20 ans) mais il s’est dégagé une véritable plus-value pour la commune, dans le sens où elle attire désormais dans ses gîtes « typiques » alsaciens une clientèle de tourisme sensible à ce type d’habitat.
Cette démarche a pu être mise en pratique à l’échelle de la Communauté de Communes du Kochersberg, à l’occasion de la mise en place de son PLUi ; 1500 bâtiments anciens, aussi bien à colombages qu’en pierre, sont désormais protégés dans ses 33 villages. La Communauté de Communes du Sundgau, forte de plus de 70 villages, s’est déclarée prête à suivre cet exemple, qui constitue effectivement une véritable solution d’avenir pour la sauvegarde de nos maisons anciennes, qui marquent l’originalité de l’Alsace.
Il est à noter également que le président de la Collectivité Européenne d’Alsace, Frédéric BIERRY, a exprimé fin novembre 2021 son soutien à l’ASMA, qu’il a concrétisé au travers d’un partenariat pour le projet d’édition d’un recueil des ‘’bonnes pratiques’’ , allant même jusqu’à faire adhérer la CeA à l’association !
Une référente a de même été nommée : il s’agit de la Conseillère d’Alsace et Sénatrice Sabine DREXLER de Durmenach. Son rôle est centraliser les questions posées en termes de conservation de la maison alsacienne et d’aider à trouver les solutions en cas de besoin.
Ces éléments portent à croire qu’une collaboration constructive sera possible dans l’intérêt d’une plus grande préservation du patrimoine alsacien.
PS : Pour soutenir l’ASMA, vous pouvez adhérer pour la modique somme de 30€, qui, notre association étant reconnue d’utilité publique, représentera au final un ‘’reste à charge’’ de 10€ seulement par l’établissement d’un reçu fiscal. Notre adresse : www.asma.fr